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16.IV.2019
Version numérique du Manuscrit original du Journal de René Tromplamor.
Suite et fin enfin
Vendredi 07.XII.2018
00 :15
Pas de sauvegarde. L’ordi du vieux m’a planté provisoirement le fichier du Journal de René A. Jadelyaud
Alias René Judicaël Abdel Ayadi
C’est à dire moi-même
Celui que l’on surnomme
René Tromplamor
Lazare II
Fantômas
Le Revenant
Le FouL’invité d’Ybiade
Baptisé
Jean Elie Dracula d’YbiadeEn tout cas cet incident informatique ne me contrarie pas au point de me priver d’aller à Ybiade.
J’ouvre le dossier sans crainte. Il est polysauvegardé.
15:30
Comme hier, déplacement de meubles, arrachage pans de moquette, premier grattage parquet, remise en place meubles. Petits bouts par petits bouts. Trop galère.
Parce que je l’ai bien mérité, petit tour à Ybiade.Lundi 10.XII.2018
00 :20
Après week-end avec Régine, retour rue Dingo. dimanche soir.
Arrachages pans de moquette…Tour à Ybiade.
Maintenant, Jean Elie Dracula cède la place à René.
JED d’Ybiade n’est pas l’avatar de René, c’est-à-dire mon double mais le nom que je porte à Ybiade. De même que le Vieux portait celui d’Ariel d’Ybiade.
Je suis simplement de retour d’Ybiade.
J’ai fermé le dossier du Vieux, ouvert ma partition et ce document.Mardi 11.XII.2018
23 :55
Enregistrement de l’après-midi
Je regarde le salon. Ça y est. Le parquet n’est pas décapé, de toute façon c’est le boulot de l’entreprise dont j’attends toujours des nouvelles, mais hier j’ai bien bossé. Le salon est débarrassé de la moquette putride.
J’ai récupéré un tapis pour éclairer un peu le sol sombre. Il occupe l’espace du coin tv. Déjà on voit les lattes toutes gondolées en-dessous mais au moins c’est un petit peu plus moelleux que ces lames de plancher qui portent bien leur noms. On sent bien leurs arêtes. Et puis le tout se gondole, c’est les montagnes russes.Alors, à midi, ya eu un pot organisé par le service pour fêter mon retour. J’ai apporté des trucs à boire et à manger parce qu’izavaient concocté un menu des plus austère pour tout le monde donc j’ai amené du crémant et de quoi faire nos monacos avec David.
Bon qu’est-ce qui ya eu après ? après je suis rentré rue Dingo…. oui, yavait un temps pourri du genre à donner envie de rien. Alors j’ai pas fini de décaper la chambre parce que ça mdisait rien. On n'y voit goutte. Voilà.
00 : 15Je vais faire un tour à Ybiade.
Mercredi 12.XII.2018Grosse grasse mat. Brouillon pour le mot de remerciement pour le pot d’hier au boulot.
Beau temps. Marche thérapeutique Porte d’Auteuil, retour bus, pharmacie…
17 :45
Revenu d’un tour à Ybiade.
Depuis le temps que j’étudie le dossier du Vieux, je sais comment y aller. Il va falloir que je mette ses brouillons à jour et au propre et ça va représenter un boulot ! En attendant, puisque j’ai trouvé la clé d’Ybiade, je vais simplifier le point de vue du vieil Ariel.
Ybiade est le lieu où se retrouvent les Ybiades.
C’est un théâtre où chacun y va de ses bouffonneries.
On se marre bien à Ybiade.
Faut dire que la boisson locale y fait pour beaucoup. On l’appelle Eau tout simplement mais c’est le diminutif de son nom complet Eau de Paradis.
C’est pas le tout mais je n’ai rien fait dans l’appart aujourd’hui. Je vais au moins couper un bout de moquette. Il ne restera plus qu’a faire sous le lit.
23 :45
Je reviens d’un nouveau tour à Ybiade. Plus tôt dans la soirée, comme je l’ai dit, ne reste plus que la partie de moquette provisoirement rescapée sous le lit.
Jeudi 13.XII.201814 : 35
Ce matin, au boulot, visite médicale annuelle. Tension 10 / 5,5
Et lui, le toubib, comment il m’appelle ? lui-même cherchait ses mots, le miraculé, le revenant peut-être…
Il voulait que je parle de mon moral. En gros je lui ai dit que le moral avait des fluctuations dues au changement de saison, sans m’étendre, quand bien même le cabinet disposerait-il d’un divan de psy. Mes états d’âmes, c’est mon affaire. Qu’est-ce qu’ils peuvent comprendre, tous. A part ceux qui ont eu droit eux aussi à une deuxième chance, sans trop de casse physique ou neurologique de surcroît, et qui se sentent déphasés dans cette vie saugrenue.De toute façon mon expérience ne fait que confirmer le choix que j’avais fait depuis toujours, depuis mes accidents du genou à vingt ans quand je commençais à travailler tandis que j’étais en troisième année d’archi. Du premier jour, j’ai toujours travaillé à temps partiel, parce qu’étudiant puis par choix.
Vendredi 21.XII.201817 : 45
Ces derniers jours, gros nettoyage de l’appartement. Fin d’arrachage de la moquette croupie, papier peint sur les caissons de portes que le Vieux avait rempli de trompe-l’œil ingénieux mais inachevés, tri de moult papiers personnels, revues et autres documents à mettre au rebut…
Mercredi 26.XII.2018
18:30
L'expert d’assurance de l’immeuble est passé ce matin très tôt mais j’étais prêt.
Ensuite j’ai marché jusqu’à Marcel Sembat puis métro pour Bricorama. Peinture pour retouches des portes.
Après guitare, yavait peut-être une semaine que je n’en avais pas joué.
Fokjenvoi1sms à Lucas pour son anniversaire. Comme quoi je suis pas rancunier. Parce que question sms de la part de mes neveux, depuis mon accident... Pourtant j'avais tout le temps de lire à l'hosto et même après. Bref...Jeudi 27.XII.2018
18 :20
Je vis
Je ne me prive de rien, mais je contrôleDiscipline
Retour de Mangin à pied
Récupère à la pharmacie un médoc commandé
Petit tour à Ybiade
GuitareEn soins intensifs je rêvais de jouer Hey Hey My My
Le désir est parti tant j’ai joué autres choses depuis
Je projetais d’en faire des choses alors
En réa déjà j’avais plein de sujets de peinture en tête
Comme ces tableaux en grilles de loto remplies d’infernaux zinzolins ou d’orangés de douleur
Comme j’étais impatient de retranscrire mes visions d’inframondes
Finalement je n’ai rien peint depuis l’aquarelle de Chichen-Itza qui restera inachevée en raison du cas de force plus que majeure
C’était avant que l’obsidienne sacrificielle de la sternotomie expose mon cœur à la lumière scialytique
Rien peint ni dessiné mais j’ai avancé sur les esquisses des ciels des deux heures les plus importantes de ma vie, celles des 24 avril et juin 2018
Et La Pharmacopée de René n’est plus qu’à peindre
Oubliée l’accumulation frénétique de projets à faire sitôt sorti de l’hosto
Faut dire que l’inondation de l’appart coïncidant avec la reprise du boulot après des mois d’absence, la nostalgie d’un été merveilleux et la trivialité de la vie parisienne, ont fait de parfaites diversions pour ne plus penser à ma tribulation
La vie reprend son cours
Les visites périodiques chez toubibs et pharmaciens
La bosse de l’implant sous l’épaule
Les prises de médocs
Se sont ajoutés aux emmerdes banales
Le plancher
Régulièrement je marche sur les arêtes du dos d’âne tout en longueur que fait le plancher casse-gueule
Ça grince de plus en plus à mesure qu’il s’assèche définitivement mais mon poids devenu super-welters n’a pas l’efficacité que n’aurait de toute façon pas plus eu celui que j’ai perdu au cours des deux mois d’hosto
Si yavait que moi, je te fendrai cette crête en deux jusqu’à ce que ces foutues lattes rentrent dans le rang
Et à quand le ponçage du plancher
Ca traîne les assurances ça traîne
Vivement que cette merde soit finie que je me sente enfin chez moiNous sommes de plus en plus nombreux à vivre de plus en plus longtemps
C’est ce que vient de lâcher un mec à la tv
Parle pour toi
Porte ouverte à toutes les conneries
Et les autres alors
Ce que je fais c’est du rab
Je suis mort à 57 ans
Je revis je survis je suis en vie
Pour combien de temps
Ça change rien à ma façon de penser depuis mes histoires de genou
Un bail
L’idée se fait simplement plus pressante
Je vis les bonnes choses avec plus d’intensité comme le fait un enfant
Le temps passe
Le cauchemar de ce printemps s’estompe
Ses laideurs disparaissent
Ses étrangetés demeurentJe suis bien parti pour passer l’année
Kilucru
Aux dires des proches c’était pas gagné
Quelle aventure
Faut-il chercher à comprendreLes souvenirs vont-ils revenir
Avant de mourir je me revois poser un colis lourds de vinyls et de cd sur mon bureau
Après silence radio
Plus d’abonné au numéro demandé
Ignorés les frayeurs des collègues, les manœuvres des pompiers, ma sortie théâtrale par une fenêtre du 5e étage, les réas du SAMU, les sirènes de l’ambulance et des motards d’escorte, les comas hypothermiques et réveils mouvementés
Les clabauderies de la fausserole à Cochin sont-elles mes premiers souvenirs de mon retour à la conscience
Je leur préfèrent les réveils de la fée au foulard jasminéJe me suis bien retapé quand même
Quand je repense ne serait-ce qu’à la dernière semaine à la Pitié
Quand je me débattais encore dans de pleurétiques coercitions
Je vais tellement mieux
Vais-je enfin appréhender ce qui m’est arrivé
A l’hosto les contraintes physiques m’empêchaient de goûter pleinement au miracle de ma réanimation sans séquelles neurologiques
Le temps de ma réadaptation cardiaque à Corentin-Celton me conditionnait toujours dans cette ambiance médicale qui fait focaliser pensée et énergie sur le métabolisme au détriment d’une sereine appréciation du mystère de la Providence et de la Vie. La mort, elle, n'en est pas un. La mort c'est rien, c'est l'état naturel de la matière. C'est son animation, la vie qui est une énigme.
Puis l’été extraordinaire et les joies simples et solaires du seul présent
Maintenant l’hiver après un automne compliqué
Qui a ébranlé les certitudes de mes résolutionsJusqu’où irais-je
En tout cas j’ai d’ores et déjà mis de l’ordre dans mes papiers les plus testamentaires
Ainsi puis-je continuer à vivre l’esprit tranquille de ce côté là01.I.2019
18 :50
Xème jour. Calculs faits, ce serait le 20918e jour, la 2988e semaine, la 502047e heure
Je pinaille pasque je cherche un sens caché à tout ça, n’importe quoi qui puisse me montrer l’incorruptible lien auquel les souvenirs sont accrochés comme des chauves-souris hippocampes morpions aïs hirondelles singes et autres suspendus accrochés perchés
Bleu
Intubation
Bruit
Bips
Comme entendu à la tv cet après-midiIl n’aurait fallu que le sillage de la Fée au Jasmin
Ou d’un je ne sais quoi repartagé avec R
Pour ouvrir une porteLa tv le rappelait tout à l’heure
Je fais partie des 5% de survivants d’un Affligeant Crash Rabat-joie
Et le plus beau, sans séquelles
On n’utiliserait que x% de notre cerveau
Et bien heureusement
Dans mon cas c’est la partie stérile qui n’a pas survécu à l’aventure en se sacrifiant comme fusible et tribut
J’ai toute ma tête (?)
Pour le reste j’ai regagné 5 kg sur les 15 fondus
Mes cheveux ne tombent plus par dizaines
Je ne fonctionne plus sur secteur mais sur pile
Plus sur tuyauteries mais sous cachetons et médocs
Plus patient de protocoles hospitaliers mais sujet d’étude de statistiques
19 n’ont pas survécus
Pourquoi pas moi
Etais-je le seul à avoir un ange gardienJ’ai essayé de comprendre le sens de ce vingtain
Je continue de chercher mon rôle dans la pièce
Comme avantBien que féées, les infirmières ne pouvaient guère me faire évader du Purgatoire
En ce moment même une sirène passe dans la rue (pin-pon la sirène) dessin poisson)
Il aura fallu mon transfert de Cochin à la Pitié pour que j’ouïsse enfin une sirène qui deux-tonnait rien que pour moi
C’est que j’étais le seul à ne pouvoir profiter du ramdam que j’ai créé dans ma traversée de Paris en ambulance il y a huit mois
Finalement j’ai passé l’année
Et merveilleusement bien
Avec RLundi 14.I.2019
15 :00
Aujourd’hui, le Vieux aurait du fêter son anniversaire.
Depuis des semaines, je me plonge dans l’univers du Vieux via son ordinateur riche de très intéressants dossiers tel celui nommé Ybiadie qui établit les bases d’une nouvelle conception de la réalité à travers un ingénieux prisme artistico-philosophique.
Je comprends parfaitement où le Vieux voulait en venir avec sa mystérieuse théorie. Avec la clé que j’ai trouvée, j’en possède distinctement tous les arcanes. Mais le faramineux dossier ybiadique restera inachevé tel un brouillon amphigourique.
Plutôt que de le reprendre, le compléter puis de le synthétiser pour le présenter en une lecture plaisante, je préfère élaborer ma propre interprétation.Lundi 28.I.2019
Premières touches de peinture depuis ma renaissance (tableau Le Thanatonaute).Fin de la transcription numérisée du Manuscrit original du Journal de René Tromplamor
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